Durant plus de deux siècles, des artisans anonymes ont façonné un monument méconnu…
Les carriers sont de véritables artisans anonymes. Ils ont ici pu façonner un immense dédale de galeries souterraines, remarquables par les moyens de consolidation mis en œuvre. Les agriculteurs s’en allaient sous terre durant les hivers rigoureux pour extraire le gypse. Les maçons, eux, s’employaient à édifier ces arches « à l’anglaise » selon des méthodes dignes des bâtisseurs de cathédrales médiévales. C’est ainsi que ces carrières de gypse ont traversé les siècles.
Une confortation imposante dans une carrière de gypse
Une confortation imposante dans une carrière de gypse, tenace depuis sa construction en 1855. Si le terme confortation est plus souvent utilisé pour désigner une action qu’en tant que nom, il prend tout son sens dans le jargon minier. Comme mentionné précédemment, le gypse, matériau primordial dans l’élaboration du plâtre, est tendre et ne résiste pas aux grandes portées. Or, aux carrefour de galeries, la question qui se pose est de comment diminuer cette portée en conservant un bon rendement de l’exploitation. Si les procédés de disposition des piliers en quinconces n’étaient pas encore mis en oeuvre, celui des consolidations maçonnées à l’anglaise l’était, lui, abondamment dans ces carrières. Ici, on remarque clairement qu’un fontis a eu le temps de se former. Il fallut alors aux carriers redoubler de prudence, et c’est ainsi qu’ils érigèrent cette série d’arches ainsi que le large pilier sur lequel viennent s’appuyer deux d’entre elles. Pour souligner leur prouesse technique dans cette carrière somme toute ancienne, ils datèrent méticuleusement chacune de ses arches. Ici, 1855 est l’année de leur construction. Au même moment, Haussmann commandait la construction de la place de l’Etoile. Ces grands travaux étaient alors gourmands en matériaux de construction, calcaire pour les pierres de taille, le plâtre pour embellir les façades et les intérieurs par des moulures…
L’allée courbe est un admirable témoignage de la précision des ouvriers.
L’allée courbe décrite par cette somptueuse galerie est d’une splendeur inégalée. Caché au fin fond d’un réseau de carrières de gypse séparé de ces voisines par plusieurs effondrements successifs, cet ensemble de galeries trapézoïdales caractéristiques des carrières de gypse de la région est consolidé ponctuellement d’arches à l’anglaise. Ces arches maçonnées, généralement de meulière, consolident le ciel de gypse qui de part la nature de la roche, ne supporte que de faibles portées. Cette galerie courbe, et taillée au cordeau, est un témoignage de la précision et de la finesse du travail des carriers sur ces galeries d’une dizaine de mètres de haut, au début du XIXe siècle quand le seul outil était le pic.
Piliers tournés et arche et quinconce, taillés intégralement au pic.
Arche et quinconce dans la disposition des piliers tournés de cette ancienne et très vaste carrière de gypse. Les piliers tournés réguliers sont évasés pour permettre de mieux canaliser les forces de pression s’exerçant du ciel et pour diminuer la portée des mêmes ciels pour obtenir des galeries solides tout en gardant un taux de défruitement suffisamment acceptable. Car les ciels des carrières de gypse, roche cassante donnant le plâtre par cuisson, ont une fâcheuse tendance à se rompre et à se décoller lorsque leur portée est un tant soit peu trop grande. Il en va de même pour les carrefours, dont la disposition en quinconce des piliers permet d’en former de trois galeries au lieu de quatre, diminuant d’autant les forces de pression pouvant s’exercer aux ciels; les carrefours étant souvent les points faibles de ces carrières de gypse. Ici, une arche maçonnée, dite « à l’anglaise » permet de renforcer le dispositif, le carrefour de galeries a alors une bien meilleure tenue.