Quand on descend sous terre, on remonte le temps. C’est aussi valable sous Paris, autant dans les couches géologiques que dans les consolidations! Les premières consolidations des carrières de l’inspection générale des carrières, l’IGC, datent de 1777. Guillaumot en fut le premier inspecteur. Il dirigea la construction de nombreux ouvrages avant la révolution française, dont celui-ci. L’un des témoins pré-révolutionnaires des anciennes carrières parisiennes présente donc ici l’inscription « n°4 G 1785 », ouvrage numéro 4 de Guillaumot réalisé en 1785. Sa forme est relativement atypique, avec ces moellons calcaires se terminant en voûtes en encorbellements. Au fond, on aperçoit un trou de visée: ceux-ci permettaient aux inspecteurs de vérifier que le travail avait été correctement exécuté en regardant l’épaisseur du mur, et la tenue de la roche calcaire.
Plus que centenaire qu’est cette inscription. Signalant le numéro d’ouvrage, suivi de la signature de l’inspecteur responsable des travaux, puis de l’année, elle fut donc écrite en 1813 sous Héricart de Thury. C’est en effet lui qui était à la tête du fameux service d’Inspection des Carrières à l’époque. Sa signature, reconnaissable parmi d’autres, est dessinée selon un H et un T entremêlés. Cette maçonnerie consolide une ancienne carrière souterraine de calcaire, sous une route qui était à l’époque située en rase campagne. Aujourd’hui, c’est une zone suburbaine qui se trouve en surface. Le travail de l’IDC était alors de rechercher, cartographier, puis consolider les anciens vides d’exploitations en laissant en place une galerie permettant de vérifier la tenue des travaux au cours du temps. Les travaux de Héricart de Thury dans les anciennes carrières sont parmi les plus soignées. Ici, on remarque que sur la longueur de la galerie, plusieurs méthodes ont été employées: des encorbellements au premier plan, une voûte au fond.
Abondamment conforté, cet escalier relie deux niveaux de carrières. À l’époque médiévale et jusqu’en des temps relativement récents, les carrières de calcaires, exploitées par puits, étaient composées de galeries basses. Les techniques de consolidation étaient en effet peu sophistiquées et il était nécessaire de conforter aux bras et donc à hauteur d’homme. L’exploitation était généralement menée par hagues et bourrages. Lorsque le banc calcaire le permettait, de part son épaisseur, deux niveaux voir plus de galeries étaient exploités. Il fallait donc un moyen de communication pour permettre aux ouvrier de communiquer entre ces niveaux. Bien sûr, ces moyens étaient bien plus spartiates que ce type d’escalier, il s’agissait de simples trous d’hommes ou de puits dans lesquels une échelle en bois était placée. Cet escalier fut bâti plus récemment, à l’époque de l’inspection générale des carrières. L’organisation était chargée alors de rechercher, cartographier, et consolider les nombreux vides d’exploitations sous Paris. Les inspecteurs demandaient aux tailleurs d’indiquer chaque ouvrage méticuleusement numéroté avec les initiales de l’inspecteur en fonction. Ainsi, 48.L.1855 signifie 48e pilier édifié par l’inspecteur Lorieux en 1855. D’autres indications peuvent figurer, comme dans l’escalier au fond, la mention « fontis » fait état de la présence d’une cloche d’effondrement à cet endroit. Souvent accompagnée de la précision « R↓ » ou « R↑ », l’indication signifie que le fontis fut remblayé de la surface (1er cas), ou depuis la galerie (2nd cas).
Voûte et inscription dans une galerie de carrière souterraine de calcaire sous Paris. Situées à un carrefour de galeries dont celle partant à gauche est remblayée, on remarque que ces voûtes reposent sur un front de taille. Une plaque est apposée à ces belles voûtes, et mentionne la présence en surface d’un boulevard ayant changé de nom depuis le percement de cette galerie. Cette galerie de recherche, car creusée directement dans la roche, était destinée à aller trouver d’autres vides de carrières isolés. Ce qui fut le cas d’ailleurs, car quelques mètres après ce carrefour se trouve une série de voûtes en encorbellements. Ce travail fut réalisé par l’Inspection des Carrières en 1811, à cet époque était à sa tête Louis Héricart de Thury, reconnu pour ses remarquables ouvrages souterrains et dont la fameuse signature aux H-T entrelacés est également inscrite.
La méduse est une concrétion assez connue des sous-sols parisiens.
La méduse est une concrétion assez connue des sous-sols parisiens, située au détour d’une galerie consolidée par l’Inspection Générale des Carrières. Ici, ces confortations consistent en de larges piliers maçonnés de section rectangulaire, dont le jalonnement forme une galerie de visite traversant d’anciens vides remblayés. La galerie parvient à un front de taille où l’eau suintant a fini par recouvrir de calcite un bloc de pierre, formant alors cette esthétique méduse. Autrefois, la galerie continuait loin derrière le point de vue, dans d’anciens quartiers exploités en hagues et bourrages au caractère particulièrement aqueux…
Confortation, sanguine et mine de plomb dans une galerie sous Paris.
Confortation, sanguine et mine de plomb au détour d’une galerie souterraine de carrière de calcaire sous Paris. La galerie fut consolidée à la date indiquée par l’Inspection Générale des Carrières, organisme chargé de surveillé, cartographier, et consolider les anciens vides d’exploitations situées dans la région. Chaque ouvrage est numéroté et signalé. À ce titre, ce mur maçonné consolidant une ancienne galerie exploitée en hagues et bourrages est numéroté et daté préalablement à la mine de plomb. Généralement, l’inscription finale est réalisée en gravure puis remplie de noir animal. Ici, c’est une inscription à la sanguine qui fut écrite.
Une petite muraille est sculptée dans la paroi de cette carrière de calcaire. Autrefois plus étendue, ce réseau fut rendu enclavé par de nombreuses injections de galeries dans le secteur, effectuées lors d’une vaste opération immobilière des années 70 et 80. Cette minuscule troglodyte sculptée, joliment ouvragée (on note jusqu’au détail de chaque moellon!) est certainement postérieure à l’isolement du réseau, et a été réalisée par d’autres visiteurs. La rosace est d’une extrême finesse. Cette sculpture est réalisée dans un front de taille, et plus précisément dans le souchet, là où le calcaire est le plus tendre et où débutait l’opération du souchevage, donnant une forme de banc que l’on aperçoit ici et forme le sol de ce château miniature… Le réseau de carrières alentour a été consolidé par l’Inspection Générale des Carrières au milieu du XIXe siècle.
Un petit château dans l’eau, fantaisie sous Paris.
Certaines galeries recèlent des curiosités. Au détour de celle-ci, moderne en comparaison à l’ensemble des travaux parisiens de l’Inspection Générale des Carrières, un petit château dans l’eau a été construit par un amateur des galeries souterraines. Ce genre de Venise miniature donne tout son charme à l’endroit, qui nous fait oublier l’ambiance sombre de ces galeries maçonnées en pierre meulière. Le château dans l’eau, dans cette galerie inondée, donne une impression de fantaisie sous Paris.
Au détour d’une galerie maçonnée sinueuse, traversant d’anciennes carrières de calcaires sécurisées depuis 1777 par l’Inspection Générale des Carrières, on peut apercevoir d’étranges inscriptions. Celle ci signale la présence d’une ancienne galerie ayant été remblayée, bourrée, par les services de surveillance. Il est aussi intéressant de constater que cette rue Blottière n’existe plus en surface. La mémoire souterraine reste gravée. Ces travaux de remblaiement ont été entrepris par l’inspecteur Trémery, signé de la lettre T, en 1877.
Dans cette galerie est remarquable une hardie combinaison de consolidations différentes: une alternance d’arches et d’encorbellements, le tout dans une galerie en pente. Bien que ces deux styles de consolidation soient chacun assez répandus sous la ville de Paris, l’association entre les deux reste rarement observable et résultante d’une prouesse montrant la maîtrise des techniques de maçonnerie à cette époque. L’ouvrage, de 1869, est signé Trémery.